Dans notre famille, les enfants décident. Ils ne décident pas de tout, évidemment, mais leur avis nous intéresse et nous en tenons souvent compte.
En fait, pour moi, ce que pense ou ressent un enfant a autant de valeur que ce que pense ou ressent un adulte. J’aime entendre leur opinion et j’aime la respecter, dans la mesure du possible.
J’ai réalisé qu’un enfant est l’égal d’un adulte. Il peut être tout aussi mâture qu’un adulte l’est. Il suffit de lui faire confiance.
Par exemple, bien trop souvent j’ai entendu que les bébés ne se rendaient pas compte du danger et qu’il fallait les protéger de tout. Pourtant, enceinte ma benjamine j’ai découvert ce qu’on appelle la motricité libre et j’ai choisi de la laisser évoluer sans entraver son développement corporel pour qu’elle s’approprie pleinement son corps et l’usage qu’elle pouvait en faire. Et dès qu’elle a commencé à se mouvoir, elle n’a eu aucune limite. Je ne l’ai pas mise dans un parc, ni dans un transat. Elle a commencé à explorer son environnement au sol, d’abord couchée sur le dos, puis elle a appris à se tourner, à marcher à quatre pattes, à se lever et à marcher. Et j’ai été émerveillée de découvrir qu’elle prenait conscience du danger. Quand les beaux jours sont arrivés et qu’elle est sorti sur notre terrasse, elle avait environ 9 mois, je l’ai vu approcher à quatre pattes vers le rebord du trottoir, tête la première. J’ai réprimé mon angoisse et ma peur de la voir la tomber et je l’ai observée. Elle s’est arrêtée devant ce vide, elle s’est retournée à plat ventre et à mis ses petits pieds dans le vide et elle s’est laissée glisser doucement jusqu’à ce que ses pieds touchent le sol. Elle n’est pas tombée et a appréhendé le danger qu’il y avait devant elle et l’a franchi avec ses propres moyens.
Il en va de même pour l’alimentation. Avec elle, au moment de la diversification, nous avons mis en pratique la diversification mené par l’enfant, DME, et nous avons introduit directement les aliments dans leur forme originelle, sans avoir recours à des purées. Et là, j’ai découvert l’énorme pouvoir qu’a un bébé pour mâcher son alimentation, même sans dent, même avec des morceaux. Elle ne s’est jamais étouffée et les deux seules fois où le morceaux qu’elle venait d’avaler avait pris une fausse route, elle l’a recraché d’elle-même grâce au réflexe de régurgitation qu’ont tous les bébés si on ne les entrave pas avec nos propres peurs. Et à 16 mois, elle mange toute seule toute sorte d’aliment. Elle a voulu tester les olives il y a peu de temps. J’ai eu peur de lui en donner une, mais devant son insistance, je lui en ai donné une, elle l’a mangé et m’a donné le noyau.
L’éducation non violente est devenue notre mode de vie. Quand on met un pied dans une éducation basée sur le respect des rythmes de l’enfant, toute notre vie s’en trouve changer tout doucement.
Je ne suis pas une maman laxiste qui ne donne pas de limites à mes enfants. Nous avons des règles de vie dans notre famille qui sont finalement plus des valeurs que des interdits. Pas de violences verbales ou physiques. Le respect, de soi et des autres. Et une bonne hygiène de vie. Et comme la vie est en constante évolution, on s’adapte au changement.
Je ne veux pas avoir de l’autorité sur mes enfants. J’essaie de leur apprendre à me respecter, respecter mes besoins et mes émotions tout en leur montrant que je respecte les leurs. Et la vie est beaucoup plus facile ainsi. En fait, les enfants sont de grands imitateurs. Et c’est en leur montrant comment faire qu’ils apprennent, bien plus qu’en leur imposant ce qui doit être fait.
C’est ainsi que petit à petit, j’ai banni de mon mode de fonctionnement les punitions, les récompenses, les ordres et de mon vocabulaire les formules comme « T’es pas gentil », « T’es pas sage » ou « Monte dans ta chambre pour réfléchir ». Et j’essaie de remplacer tout ça pour une bonne dose d’empathie, énormément d’amour et de la disponibilité pour faire des choses avec mes enfants.
Cependant rien n’est acquis et je dérape encore souvent. Je continue de m’énerver rapidement, bien trop rapidement à mon gout. Et je crie aussi, souvent quand mes propres besoins ne sont pas comblés. Parfois aussi lorsque la colère m’envahit, je ne contrôle plus trop mes réponses qui sont alors pas vraiment empathiques.
Quant à mes enfants, ce sont des enfants comme les nôtres. Ils ne respectent pas toujours ce que je leur demande et ça m’énerve tellement, si vous saviez … Et certains jours, il me vient à l’esprit des envies de leur scotcher la bouche ou de les coucher attachés dans leur lit …
Je n’ai pas de formules miracles. Je me trompe, je fais des erreurs, je les reconnais, je les accepte.
Je ne sais pas si je fais bien ou si je fais mal. Je suis tout de même convaincue que le fait de traiter mes enfants aussi bien que j’aurais aimé être traitée étant petite fille est une bonne chose. Je ne suis pas morte des fessées que j’ai reçu étant enfant mais il m’a fallu apprendre à être empathique avec mes enfants, apprendre à entendre leur souffrance, apprendre à être une bonne maman. Quelque chose est donc bien mort sous les coups que j’ai reçu.
Il est vrai qu’il n’est pas facile de pratiquer une éducation non violente. Ce n’est pas facile, non pas parce que les enfants sont difficiles, ce n’est pas facile parce que depuis des décennies, des siècles même, on nous fait croire que les enfants sont difficiles et qu’ils ont besoin de limites que l’on se doit de faire respecter avec des châtiments corporels. Et comme depuis des générations, les enfants ont toujours été diabolisés, on en vient à penser que ce sont les enfants qui cherchent les coups pour apprendre à respecter les règles. Et alors les châtiments corporels deviennent justifiés.
Est-ce vraiment le cas ? Est-ce que certains comportements méritent-ils vraiment de recevoir des coups ?
Alors partons de ce postulat et faites la liste. Et vous verrez que votre liste sera différente de celle de votre mari, de celle de vos parents, de celle de votre voisin. Pourquoi ? Si vraiment certains comportements méritent d’être frapper, tout le monde devrait s’entendre sur ce point. Or ce n’est pas le cas.
Pourquoi ? Parce que les coups que reçoivent les enfants sont intimement liés à l’état émotionnel dans lequel se trouve le parent au moment de l’action. Si un parent rentre de sa journée de travail énervé, fatigué ou contrarié, son seuil de tolérance aux diverses frasques de son enfant sera si mince que cet enfant risque bien de se prendre une fessée pour une chose qui, un jour de détente, serait tout à fait acceptable par le parent.
A la maison, j’ai un petit cadet qui serait qualifié de « difficile » par d’autres parents. Dès le réveil parfois, la moindre contrariété le fait entrer dans une énorme colère. Il accepte très mal d’être contraint ou encore qu’on lui dise non. Très souvent quand il est énervé, il veut me frapper et me balance à la figure qu’il ne m’aime plus. Aujourd’hui alors que je lui refusais je-ne-sais-plus quelle chose, il m’a dit qu’il voudrait que je meure. Pour moi, ce n’est pas un enfant difficile. C’est juste un enfant de cinq ans qui doit apprendre à gérer ses émotions, ses frustrations. Et comment réagirait-il si je lui mettais des fessés quand il veut me frapper ? Croyez-vous qu’il comprendrait qu’il n’a pas le droit de me frapper ? Non, il comprendrait juste que lorsqu’on est plus grand ou plus fort, on peut se permettre de frapper un être plus faible ou plus petit. Parce qu’en réalité, il veut me taper mais il ne me tape pas. Il sait que l’on a pas le droit de frapper dans notre famille. Ses parents respectent cette valeur et il la respecte aussi. Ceci dit, l’envie de frapper exprime une colère et mon but en tant que maman, c’est de lui apprendre à exprimer sa colère ou ses contrariétés autrement qu’avec la violence.
Je n’ai encore que des enfants assez jeunes. L’ainé a tout juste sept ans. Cependant j’ai déjà constaté que mes enfants sont souvent plus difficiles à gérer lorsqu’ils sont en manque d’amour ou de présence de leur maman ou de leur papa. Ils sont excités, ils refusent les contraintes, ils se chamaillent. Et surtout lorsque je ne vais pas bien, ils sont encore plus demandeurs auprès de moi.
Je ne pense pas avoir des enfants plus faciles ou plus dociles que les autres. Je remarque juste que je les supporte. C’est-à-dire que je les accepte comme étant juste des enfants qui font des expériences de vie, qui découvrent, qui crient quand ils jouent, qui pleurent très forts quand ils se font mal, qui ont du mal à gérer des émotions fortes, qui n’ont pas envie de se coucher quand ils n’ont pas sommeil, qui me font répéter dix fois la même chose, enfin tout ce que font les enfants.
Mais finalement, les adultes ne font-ils pas pareil ?
J’en arrive à la fin, quoi que je pourrais vous en parler encore des heures. Parce que vraiment, je réalise que j’aime parler d’éducation.
Cette chronique est sans doute un peu brouillon, je n’avais aucun plan en tête quand je l’ai commencé, je voulais juste partager ceci avec vous.