Lorsque j’étais enceinte, je me suis posée tout un panel de questions pour accueillir mon fils avec amour et bienveillance : Vais-je réussir à l’allaiter ? Cododo ou lit séparé ? Sucette ou pas de sucette ? Comment réussir à comprendre ses pleurs ? Sera-t-il en bonne santé ? Comment lui faire prendre son bain ? Comment soigner son cordon ? Et s’il tombe malade ? Est-ce un caprice ?
Bref toutes ces questions qui nous viennent à l’esprit quand on devient parent. Pour autant, je ne me suis jamais demandée si je pouvais élever mon enfant sans châtiment corporel.
La fessée, les claques, les coups ont fait partis de l’éducation que j’ai reçue. Sans avoir été battue et sans en être morte, j’ai reçu comme la plupart des enfants de ma génération, des fessées étant petite puis des coups de pantoufles, de ceinture et des claques aussi. Dans ma fratrie de trois filles, je suis la cadette et j’ai été celle qui prenait très souvent pour les autres. Cela m’a profondément marqué. Je traine depuis toujours un intense sentiment d’injustice et un énorme manque affectif.
Mes parents, comme beaucoup de parents, pensaient bien faire. Les coups étaient la base de leur éducation, et autour de nous, tous les parents avaient les mêmes bases. C’est ainsi qu’on élevait les enfants, ceux d’hier et malheureusement ceux d’aujourd’hui encore. Ces pratiques demeurent très en vogue, même si Dieu merci, le martinet a disparu des foyers !
En France, frapper un enfant est acceptable. C’est ainsi que j’ai, moi aussi, frappé mes enfants. Mes neurones miroirs m’ont fait reproduire des gestes et des attitudes qui, auparavant m’avaient tellement blessée, mais comme la société revendique et valorise même, le droit de frapper son enfant, j’étais autorisée à le faire, en toute impunité. J’ai alors enfoui mes émotions, j’ai fait taire la petite fille qui pleurait au fond de moi et j’ai fessé mes fils.
J’étais conditionnée à penser que c’était la meilleure façon d’élever son enfant parce que « une fessée, ce n’est pas si grave », parce que « ça remet les idées en place », parce que « je n’en suis pas morte », parce que « c’est moi qui commande », parce que « je ne veux pas en faire un enfant-roi ». Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, je pensais qu’une tape sur la main permettait d’apprendre à l’enfant de ne pas toucher, qu’une fessée lui rappelait qu’il dépassait les limites et que le coin ou « la chaise à réfléchir » aidait mon enfant à analyser son comportement.
Mais c’est faux ! Toutes ces pratiques mettent le cerveau de l’enfant sous stress et ont des conséquences sur notre vie d’adulte. Car en matière d’éducation, nous rejouons notre passé, notre propre vie d’enfant. Nos gestes de parent sont commandés par ce que nous avons vécu durant notre enfance.
Des études scientifiques ont été faites et montrent les ravages que fait la violence éducative ordinaire sur le cerveau d’un enfant qui a reçu des fessées, des claques ou de la violence verbale. En effet, une expérience a été réalisée auprès de deux catégorie de parents. La première se composait de parents qui étant plus jeune, n’avaient pas subi de violence éducative. La deuxième regroupait des parents qui avaient subi de la violence éducative. Face à eux, on mettait un bébé qui pleure. La première catégorie de parents, ceux qui n’avaient pas été frappé durant leur jeunesse, secrétaient immédiatement dans leur cerveau l’hormone d’ocytocine et avait pour impulsion de prendre soin de ce bébé. La deuxième catégorie de parents, ceux qui avaient été frappé, ne produisaient pas du tout d’ocytocine, en revanche le circuit de stress dans leur cerveau se mettait en marche et produisait comme réaction soit de la violence soit une fuite.
Donc lorsque la fessée ne tue pas, elle ne rend pas plus fort. Bien au contraire, elle affaiblit. Dès lors, il ne faut pas non plus occulter qu’en France deux enfants meurent chaque jour sous les coups de leur(s) parent(s). DEUX enfants par JOUR, c’est ÉNORME, c’est inadmissible ! Ces enfants meurent car les français, le gouvernement, des parents, des émissions de télévision de grande écoute continuent de défendre et d’encourager le droit de frapper un enfant. Quel manque d’humanité !
A quoi servent les châtiments corporels ? Une fessée ou une claque ont-elle une réelle valeur éducative ? NON !
Une fessée enseigne que la violence peut être une façon de régler un problème, un différent. Elle n’enseigne pas la maitrise de soi, un parent frappe son enfant car il ne parvient plus à se maitriser.
Lorsqu’un enfant reçoit une fessée ou une claque, il ressent de la peur ou de la honte. Son cerveau sollicite son amygdale et cela engendre une réaction de stress. Ainsi sollicité excessivement, il sera donc plus difficile pour lui de gérer les situations de stress ou de peurs.
Tout ce qui fait stresser un enfant n’a aucune valeur éducative car la zone émotionnelle de son cerveau prend le dessus et l’empêche de réfléchir. Même la menace d’une fessée ou d’une punition est une source de panique. Le cerveau est sous stress, donc sous tension et il déclenche comme réaction soit de la violence, de l’agressivité, soit une fuite, soit un figement. La menace est quasi-impossible à gérer pour le cerveau car elle déclenche une phase d’attente qui met le cerveau sous-tension et cette tension ne s’arrête que lorsque la menace a été mise a exécution, le cerveau de l’enfant peut alors s’apaiser.
Alors que faire ?
C’est à nous, parents du XXIème siècle, de stopper ce processus. Nous qui revendiquons le progrès et la technologie, utilisons aussi toutes ces avancées scientifiques pour comprendre et accepter les conséquences maléfiques des coups que nous donnons à nos enfants. Beaucoup d’entre vous sont sensibles à cela. Néanmoins tellement de parents se trouvent démunis face à l’éducation de leurs enfants, moi la première.
Alors comment faire sans fessée, sans claque, sans punition ?
Souvent on entend au sujet d’enfants turbulents ou d’adolescents difficiles « S’ils avaient reçu plus de baffes, ils n’auraient pas mal tourné. » Eh bien moi, j’ai plutôt envie de dire que s’ils avaient reçu plus d’affection, de câlins, d’écoute, si leurs parents avaient joué un peu plus avec eux, ils n’auraient pas mal tourné.
Pour arrêter de frapper ses enfants, il suffit de le vouloir et ensuite il faut être patient, petit à petit réapprendre à vivre avec ses enfants. Apprendre à ne plus menacer, apprendre à se contrôler, apprendre à écouter, apprendre à donner de l’amour, de l’attention , de la présence.
Arrêter de frapper ses enfants est un cheminement. Parfois on se sent seul sur ce chemin et puis on fait des rencontres, on échange avec des parents qui, comme nous, ont décidé de ne plus frapper leurs enfants et on apprend beaucoup d’eux et avec eux.
Pour ma part, l’éducation positive et non violente, a changé ma vie mais elle n’a pas changé mes enfants ! Mes enfants restent des enfants. Ils courent quand je préfèrerais qu’ils marchent, ils sautent sur le canapé, ils crient quand leur sœur fait la sieste, ils refusent de manger des légumes, ils veulent du chocolat au petit-déjeuner, ils n’aiment pas se laver, ils sont tout le temps collés à moi ou à leur père, et cette liste est non exhaustive !
Je n’ai pas de formule miracle pour élever ses enfants sans fessée et sans punition. Personne n’en a d’ailleurs ! En revanche, j’ai un tas de petites astuces.
La première astuce : Refuser d’avoir recours à la fessée ou à tout autre châtiment corporel. Cela signifie que la prochaine fois que vous avez envie de donner une fessée à votre enfant, ne le faites pas. Vous pouvez sortir de la pièce pour relâcher la pression, boire un grand verre d’eau, souffler et respirer profondément par le ventre, aller faire pipi et réfléchir à un autre moyen de résoudre le problème. Suivant le problème, il y a tout un panel de réactions à adopter sans avoir recours à la fessée. Petit à petit, vous verrez que vous lèverez beaucoup moins la main jusqu’à ce que ce mécanisme est complètement disparu.
La deuxième astuce : L’absence de châtiment corporel ne veut pas dire laxisme. Chez moi, il y a des règles de vie qui sont dessinées sur un tableau et lorsqu’une règle est transgressée, je rappelle à l’ordre et bien souvent cela suffit pour régler le différent. Si cela ne suffit pas, je n’ai aucune punition prédéfinie, suivant la nature de la transgression, si c’est l’ainé ou la cadet, je trouve alors une solution, parfois avec le fautif, pour réparer la bêtise.
La troisième astuce : Lâcher prise ! Faites une liste des règles qu’il faut impérativement respecter et lâcher prise sur toutes ces petites choses que fait un enfant tout simplement parce qu’il est un enfant et qu’il expérimente. Vos limites vous sont propres et n’appartiennent qu’à votre famille. Chaque personne est différente et chaque parent n’a pas les mêmes attentes vis-à-vis de son éducation. A vous de définir les vôtres. Il ne s’agit pas de tout interdire, essayez plutôt de donner une consigne positive plutôt qu’un interdit. Par exemple, parler doucement au lieu de ne pas crier.
La quatrième astuce : Quand une crise éclate, j’encourage l’enfant à se calmer en admirant et se concentrant sur sa bouteille de retour au calme. Mon fils cadet a baptisé la sienne « la bouteille pour se détendre ». Chacun a la sienne et l’a fabriquée de ses propres mains, au cours d’une activité manuelle en famille. L’enfant se concentre sur les paillettes qui tombent et cela lui permet de retrouver son calme.
La cinquième astuce : Le coloriage ! Dessiner au préalable, des cercles, des formes géométriques, laissez aller votre imagination, puis munissez-vous de crayon de couleur et colorier avec votre enfant. Le but du jeu : se détendre, apprendre à se concentrer. Cette activité peut intervenir en fin de journée quand les tensions de la journée sont trop dures à gérer, lorsque vous sentez que votre enfant « part dans tous les sens » ou quand bon vous semble.
La sixième astuce : Faites diversion. Quand une crise éclate ou quand vous ne pouvez pas satisfaire le besoin ou le désir de votre enfant, faites diversion. Amenez-le vers un autre sujet, un autre jouet, une autre pièce, pour lui changer les idées.
La septième astuce : les câlins, les bisous, une caresse sur les cheveux, un sourire sont des jokers magiques qui nous délivrent souvent des impasses desquelles nous n’arrivons pas à sortir.
La huitième astuce : Jouer avec votre enfant. Accordez-lui un vrai moment en tête-à-tête avec vous, autour d’un jeu de carte, de billes, de ballon ou de toupies. Ces minutes passées auprès de lui, durant lesquelles vous serez entièrement disponible pour lui, l’aideront à supporter les contrariétés qu’il aura à affronter durant la journée.
La neuvième astuce : Accepter les émotions de votre enfant (et les vôtres). Ne cherchez pas à faire taire sa colère, à faire disparaitre sa tristesse ou à maitriser sa joie. L’expression des émotions est une très bonne chose. Encouragez-le à les dire, à les évacuer, soyez disponible pour lui, sans être intrusif. Votre seule présence, sans un mot, peut soulager un enfant en colère. Quand il est trop petit pour mettre des mots sur son émotion, vous pouvez créer vos propres personnages qui illustrent telle ou telle émotion et demander à l’enfant de choisir le personnage qui correspond à ce qu’il ressent.
Pour conclure, élever son enfant sans fessée, sans claque et sans punition c’est possible et cela ne vous rendra pas laxiste pour autant. Cette éducation tort le cou au mythe que l’enfant est un petit être qu’il faut soumettre et dominer sinon il vous mangera ! Un enfant n’est pas un adulte. Son cerveau est encore en formation, il apprend chaque jour à vivre, il découvre, expérimente. L’élever dans la violence, la contrainte et le chantage ne lui apprend nullement les bonnes valeurs de partage, d’entre-aide et d’amour. Un enfant n’est pas mauvais, ce n’est pas de la mauvaise graine, il vit simplement, au contact constant de ses émotions qui l’envahissent parfois et qu’il ne parvient pas vraiment à maitriser.
D’ici la fin de semaine, vous trouverez la bibliographie qui m’a aidée à écrire cette chronique. L’éducation non violente a déjà un grand nombre d’auteurs qui ont une plûme très agréable à lire et qui vous apprennent des tas de jolies choses sur vos enfants et sur vous-mêmes aussi. Je vous invite à feuilleter certains de ces ouvrages. Vous y trouverez également la liste des blogs que je consulte régulièrement et qui me sont d’une grande aide lorsque je me retrouve démunis et sur lesquels j’ai pioché certaines des astuces que j’ai énumérés.
J’en profite pour faire une dédicace à Manu, maman blogeuse de quatre enfants, qui quotidiennement alimente son blog « En chemin vers l’éducation bienveillante » et sa page Facebook, pour la rejoindre, cliquez ici . Ses partages journaliers sont de vrais petits plaisirs. A découvrir sans modération !
Et pour poursuivre dans la joie et la bonne lecture, en ligne une chronique spéciale qui vous invite à gagner le dernier livre d’Isabelle Filliozat « Il me cherche », cliquez ici.
Bonne journée sans fessée ni punition !